Critiques

Retour sur le spectacle The Beatles, Abbey Road & co

L’Orchestre symphonique de Québec (OSQ) et la formation Jeans ‘n Classics au Grand Théâtre de Québec The Beatles, Abbey Road & co.

Que ce soit sur disque ou en spectacle, les relectures des chansons des Beatles sont innombrables et fort diversifiées qualitativement. Or, le mariage entre un orchestre symphonique de renom comme celui de Québec et une formation pop de vingt ans d’expérience nommée Jeans’n Classics peut s’avérer un pari risqué. À plus forte raison lorsque peu de prestations sont prévues puisque le rodage est minimal. Mais au final, la salle Louis-Fréchette du Grand-Théâtre, remplie à capacité, a bénéficié, ce jeudi 11 février, d’une performance de très bon niveau pour la première représentation d’une suite de deux.

Le programme de la soirée, présenté par le chef invité de l’OSQ, Stéphane Laforest, se divisait en deux parties, la première regroupant huit pièces dont six du répertoire du groupe et deux de la carrière de McCartney post 1970, soit Coming Up et Band On The Run. En ce qui concerne la seconde, j’en parlerai plus loin.

D’entrée de jeu, les six musiciens de la formation ontarienne Jeans’n Classics, visiblement en contrôle, plantent le décor avec Nowhere Man, Taxman et Penny Lane dont les versions sont semblables aux enregistrements originaux et où se révèle le mélange rock symphonique du band invité, des trois choristes et de l’OSQ. C’est Jeans’n Classics qui occupe les devants de la scène, obstruant malheureusement la vue que le parterre pourrait avoir sur l’Orchestre. Petit bémol.

Mais la difficulté principale de ce type d’exercice est de marier adéquatement les orchestrations symphoniques avec le travail des musiciens rock afin qu’au final, le public puisse profiter de cette symbiose et entendre convenablement les nuances appropriées de chaque instrument tout en savourant l’amalgame. L’exercice est cette fois assez bien réussi bien que le travail de l’OSQ reste parfois un peu discret et cela même si le répertoire Beatles se prête en général parfaitement aux violons et aux cuivres. Est-ce en raison de la balance de son ou des partitions elles-mêmes? Difficile à dire.

Un moment fort de cette première moitié de concert survint lors du véritable duel guitare électrique et violon, livré par Dave Dunlop (Jeans’n Classics) et Catherine Dallaire (OSQ) qui ont brillé durant While My Guitar Gently Weeps, donnant ainsi un écho particulièrement flamboyant au magistral duo de George Harrison et d’Éric Clapton sur l’album blanc de 1968. Pour clore cette partie, c’est l’emblématique A Day in the Life qui est offerte avec son arrangement orchestral incroyable incluant la fameuse montée cacophonique de 24 mesures des cordes du centre et de la finale de la pièce. Très convainquant!

Après l’entracte, comme le titre du spectacle l’annonçait, c’est l’intégrale de l’album Abbey Road, le dernier enregistré par les Beatles et sans doute le plus orchestré du quatuor, qui fut à l’honneur. Toutes les pièces sont jouées comme à l’époque où on devait retourner le disque, comme l’indique avec humour le leader et guitariste de Jeans’n Classics, Peter Brennan. C’est dans ce segment que le chanteur principal, David Blamires, doit véritablement démontrer sa polyvalence puisque les partitions vocales originales de John, Paul, George & Ringo sont pour le moins fort diversifiées. On a qu’à penser à Come Together, Something, Octopus’s Garden ou I Want You et on comprend facilement que l’effort vocal est louable. David est un pro et, malgré une allure aux antipodes de celle de Lennon, sa performance vocale est remarquable, particulièrement dans l’énergique Oh Darling, que même McCartney lui-même n’a jamais reprise depuis l’enregistrement de 1969.

Le point d’orgue de la représentation est bien entendu la succession des titres de la face 2 de l’album Abbey Road qui a été encensé par tous dès sa parution. De Here Comes the Sun à The End, cet enchaînement, particulièrement exigeant instrumentalement et vocalement, déploie un amalgame de tempi et de textures sonores envoûtants. Musiciens et musiciennes de l’OSQ et de Jeans’n Classics ont manifestement réussi ce défi, à la grande joie des spectateurs.

Un plaisir pas du tout coupable vint s’ajouter, soit le classique Hey Jude que tous entonnent allègrement, artistes et public, enchantés de leur soirée. Aucun rappel ne fut accordé, sinon celui de David Blamires qui, moqueur, entonna a cappella Her Majesty lors des salutations d’usage!


Auteur : Roger T. Drolet

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